Depuis un peu plus d’un an, les tensions entre médias et intelligence artificielle ne cessent de monter. Procès retentissants (New York Times contre OpenAI), accords colossaux (News Corp et OpenAI pour 250 millions de dollars, Reddit et Google pour 60 millions/an)… Le secteur ressemble à un Far West où chacun cherche à protéger ou monétiser son contenu face aux LLMs. C’est dans ce contexte que Microsoft annonce la création du Publisher Content Marketplace.
Une idée qui pourrait changer la donne
Le principe est simple : chaque fois qu’un article nourrit Copilot ou un autre service d’IA, son éditeur est rémunéré. Autrement dit, la valeur générée par l’IA retourne (enfin) vers ceux qui produisent l’information et la connaissance.
C’est à la fois malin et stratégique. Car au lieu d’accumuler les procès ou de négocier au cas par cas, Microsoft tente d’instituer un cadre économique global.
Rappelons aussi que les IA ont besoin des éditeurs et créateurs de contenu pour alimenter leur connaissances avec des informations fraîches. Il est donc contreproductif d’asphyxier les éditeurs de contenu (lire mes articles sur la dépendance dévorante des IA et sur la confiance comme nouvel étalon du SEO).
Vers un standard économique entre médias et IA ?
Cette approche pourrait devenir un standard mondial :
- elle transforme un conflit juridique en marché organisé,
- elle redonne une légitimité aux créateurs de contenu,
- elle ouvre une nouvelle source de revenus pour Microsoft, qui se place comme l’intermédiaire incontournable.
Pour les éditeurs, cela représente une opportunité de sortir d’une position défensive pour redevenir acteurs de la chaîne de valeur. Perplexity avait déjà émis l’idée de redistribuer une part de ses revenus aux éditeurs de contenus.
Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités
Derrière cette proposition se cache un autre enjeu : Microsoft ne cherche-t-il pas à s’imposer comme arbitre de la rémunération des contenus journalistiques dans l’IA ?
- Qui fixera les prix ?
- Les petits éditeurs pourront-ils exister face aux géants ?
- Que se passera-t-il si ce modèle s’impose sans alternative ?
Ce Publisher Content Marketplace n’est pas seulement une réponse aux procès et aux éditeurs mécontents, c’est aussi une manière très habile pour Microsoft de monétiser son rôle autoproclamé d’intermédiaire entre les IA et les éditeurs.
Le problème, c’est qu’on parle ici d’un enjeu aussi structurant que l’information. Peut-on réellement confier ce pouvoir à un acteur qui a tout intérêt à dicter ses propres règles ?
Rémunérer les contenus et préserver la diversité
Nous assistons peut-être à la naissance d’un marché organisé de la valeur informationnelle à l’ère de l’IA. Et Microsoft tente un coup très habile pour en prendre le contrôle.
À mes yeux, le vrai enjeu n’est pas seulement de rémunérer les contenus : c’est aussi de garantir une diversité éditoriale, de préserver la pluralité des voix, de ne pas laisser quelques acteurs imposer leurs perceptions de la réalité. Ni laisser un seul acteur dicter les règles du jeu.
L’information est un bien commun. Et si l’IA en tire profit, il est juste que ceux qui la produisent soient rémunérés, mais sans perdre leur indépendance.